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Le Passeur (d'idées)
22 juin 2022

Inondations - et maintenant ?

(contact : troozinfo@gmail.com)

Agir, s'il n'est pas trop tard...

Presqu'un an après les inondations, les stigmates de la catastrophe sont partout, y compris dans les têtes. Et pourtant, bien du chemin a été parcouru. 

Parmi les leçons... non tirées des inondations, la nécessité de vivre avec la rivière plutôt que de la cornaquer comme un vulgaire canal. Les machines ont des mois durant gabionné, enroché, curé... Oui, il fallait reconstruire mais en desserrant le corset d'une rivière malmenée depuis 2 siècles, pas en l'avilissant encore davantage. 

Maintenant que les plus gros travaux de reconstruction des berges ont été effectués, 2 projets sont initiés par les pouvoirs publics qui intéressent directement les citoyens et la société civile :

  • www.vallee-vesdre.be  -->  Schéma stratégique pour le bassin versant de la Vesdre

    Objectif : Envisager le futur du bassin versant pour faire face aux inondations et aux défis que le changement climatique nous impose

    La Région wallonne a mandaté une équipe de prestataires composée de l’association entre bureau d’études et université. Elle est en train de conclure le diagnostic. C’est alors l’occasion de le partager avec l’ensemble des acteurs et habitants des communes du bassin versant de la Vesdre.

    Une série de présentations du diagnostic et de permanences sont prévues dans les communes du bassin versant afin de pouvoir discuter ensemble du diagnostic et de l’enrichir par notre connaissance du territoire mais aussi de notre expérience d’habitant, de travailleur…

    Oui, il y a des choses à dire !

    Quelques dates (parmi d'autres)

  • https://inondations.wallonie.be/home/actualites/actualites/appel-a-projets--resilience-biodiversite---climat--2022.html 
    -->  Appel à projets « Résilience Biodiversité - Climat » 2022

    Objectif : Renforcement de la résilience et des fonctions écosystémiques des espaces naturels : renaturation, reméandration, restauration de zones humides dans le lit majeur des cours d'eau, zones d'immersion temporaire… pour lutter contre les inondations et les risques de pénurie d'eau.


    Ce projet s'inscrit dans le Plan de Relance de la Wallonie.

    Oui, il y a des choses à dire !

    Wallonie 
    Inondations en Wallonie
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Mais avant cela, voici une version mise à jour et raccourcie de l'article paru sur le site d'Urbagora (https://bit.ly/3HQxLyj) le 29 octobre 2021 

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La vallée de la Vesdre sera-t-elle doublement meurtrie ?

Les inondations des 14 et 15 juillet, exceptionnelles par leur ampleur et leur puissance destructrice, ont été largement amplifiées par les aménagements humains, l’artificialisation des paysages et le réchauffement climatique. Dans le bassin de la Vesdre, les importants travaux de sécurisation et de reconfiguration engagés dans l’urgence et qui se sont poursuivis pendant plusieurs mois dans et aux abords de la rivière et de ses affluents pour protéger des bâtiments et des infrastructures ont encore artificialisé davantage le territoire et la vallée et donc accru le risque d’une nouvelle catastrophe. Ils doivent être compensés par des aménagements en faveur de la renaturalisation de la Vesdre et de sa plaine alluviale dans le cadre d’une approche beaucoup plus transversale et concertée.

Une catastrophe humaine mais aussi environnementale et écologique 

Si le bilan humain et matériel de la catastrophe est très important, le bilan environnemental et écologique est lourd lui aussi. Dans le cas du bassin de la Vesdre, le plus touché de Wallonie, l’écosystème de la rivière et de ses affluents a été gravement affecté. Une vague de pollution par le mazout et les nombreux déchets chimiques emportés par le courant a été suivie par une pollution organique permanente générée par les effluents domestiques de près de 200.000 habitants qui ne peuvent plus être traités dans quatre stations d’épuration collectives désormais hors d’usage. Les habitats aquatiques et rivulaires mais aussi des mares, des prairies humides et des mégaphorbiaies, ont été durement touchés, voire localement détruits.

 

Des inondations catastrophiques, d’une ampleur jamais vue.

Des quantités énormes de déchets inertes et de débris végétaux, des bois et des pneus, des emballages plastique et des bidons de produits en tous genres se sont accumulés sur les berges et dans toute la plaine alluviale, y compris dans la réserve naturelle domaniale de Goffontaine dont certaines parties ont été littéralement ensevelies. Des millions de petites billes de plastique provenant d’une usine située en amont de Pepinster ont pollué les sols et les eaux. Plus grave encore, des dizaines de milliers de fragments de rhizomes de l’envahissante et exotique renouée du Japon ont été dispersés dans les prairies, les jardins et les espaces verts ainsi qu’en bord de chemins, donnant naissance à de nouvelles plantules qui sont autant d’implantations potentielles de nouvelles stations.

Certains phénomènes spectaculaires, comme la constitution de plages de galets dans la plaine alluviale, le creusement d’anses d’érosion en contact direct avec la rivière (annexes hydrauliques) ou la formation d’îlots sont par contre favorables à la diversification des écosystèmes et donc à la biodiversité.

 

Anse d’érosion creusée dans la réserve naturelle domaniale de Goffontaine.

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22 juin 2022 : même endroit après destruction de l'ancienne berge en béton et "reconfiguration des lieux".

La Vesdre, une rivière dénaturée

L’histoire industrielle et économique de la Vesdre est longue et riche, mais elle s’est largement écrite au détriment de la rivière. Depuis Verviers jusqu’à sa confluence avec l’Ourthe à Chênée, la Vesdre, fortement dénaturée, a été réduite à un écoulement fluide et nauséabond cantonné, en maints endroits, dans un étroit chenal bordé de murs et parsemé de seuils et de déversoirs.

 

La Vesdre à Verviers

La plupart des affluents ont aussi été physiquement contraints, comme les cours aval de la Hoëgne à Pepinster ou de la Magne à Fonds-de-Forêt (Prayon-Trooz). Plusieurs affluents ont été partiellement canalisés et enterrés, parfois sur des centaines de mètres. Les espaces naturels en bord de rivière se sont réduits drastiquement : en cause, le passage des routes et du chemin de fer, l’aménagement de sentiers, l’urbanisation, l’intensification de l’agriculture, les remblaiements… Concomitamment, la rivière a servi d’exutoire aux effluents et aux déchets industriels et domestiques des entreprises et des communautés humaines riveraines. La plaine alluviale a également évolué dans le sens d’une banalisation des paysages.

 

La Magne à Fonds-de-Forêt (Trooz).

En aval de Verviers, tout particulièrement, la grave dénaturation de l’état physique de la rivière limitée à son lit mineur redessiné par l’homme et la pollution généralisée de ses eaux ont conduit à la quasi disparition de la vie aquatique. La diversité biologique des habitats associés (ripisylve, zones humides…) dans tout le lit majeur de la rivière s’est aussi gravement appauvrie, tant qualitativement que quantitativement. En somme, ce sont tous les services écosystémiques de la Vesdre et de la plaine alluviale qui ont été drastiquement réduits, notamment les services de régulation.

 

La plaine de la Vesdre à Prayon (Trooz) : des capacités d’accueil de la vie sauvage drastiquement déprimées.

Depuis une trentaine d’années, la disparition des entreprises les plus polluantes ou leur mise aux normes ainsi que l’entrée en service des nouvelles stations d’épuration publiques avaient permis un retour progressif de la Vesdre à la vie, à partir notamment de ses affluents en bon état, la Hoëgne en particulier. Si au début des années 2010, une quinzaine d’espèces de poissons y étaient dénombrées, l’état physique de la rivière est demeuré très dégradé. L’urbanisation de ses abords immédiats s’est quant à elle poursuivie en périphérie de tous les villages qu’elle traverse, sous couvert des plans de secteur et de leurs affectations.

Dans un contexte de réchauffement climatique et d’accroissement de l’intensité des précipitations estivales, les risques de graves dommages encourus par la population installée dans la vallée de la Vesdre en cas d’inondations étaient donc accrus.

Des travaux dans l’urgence, pour réparer

Dès les jours qui ont suivi les inondations, des travaux indispensables de dégagement et de reconstruction de berges ont été réalisés essentiellement par des entreprises de génie civil mandatées par la Région wallonne afin de sécuriser des bâtiments et des infrastructures directement menacés. Ces travaux se sont ensuite poursuivis et ont été étendus à des zones de moins en moins critiques. Des dizaines de pelles mécaniques se sont ainsi mises au travail dans et aux abords de la Vesdre et de ses affluents pour réparer ce qui avait été détruit, mais aussi pour créer de nouveaux enrochements et aménager de nouvelles berges en talus. D’Eupen à Chênée, sur de longs segments totalisant de nombreux kilomètres, le lit de la rivière mais aussi ses berges sont devenus des voies de circulation empruntées en tous sens par des engins chenillés lourds qui ont réalisés des aménagements de très grande ampleur sans que personne ne questionne l’impact écologique de toutes ces perturbations sur les milieux naturels et leur fonctionnement.  

Le cadre juridique des cours d'eau récemment réformé offre de grands principes mais manque manifestement de balises bien ancrées. Le décret relatif aux cours d’eau non navigables du 4 octobre 2018 a pour ambition d’assurer une « gestion intégrée, équilibrée et durable des cours d'eau wallons, conciliant leurs fonctions hydraulique, écologique, économique et socio-culturelle ». Parmi les 4 axes du décret, le premier relatif à la gestion intégrée et l'hydromorphologie reconnaît les menaces qui pèsent sur les rivières et leur écosystème et prévoit une concertation avec l'ensemble des gestionnaires. Le deuxième axe consacré à la continuité écologique met l’accent sur la libre circulation des poissons et les obstacles physiques qui la contraignent mais omet toute la fonction de liaison écologique du réseau hydrographique (eau, berge et ripisylve), pourtant une des principales trames du réseau Natura 2000.   

 

Nouvel enrochement sur la Vesdre à Prayon (Trooz).

Les travaux de « curage et de nettoyage » de la Vesdre sont aujourd’hui en cours, de l’amont (Eupen) vers l’aval (Chênée). Des dizaines de milliers de mètres cubes de matériaux seront retirés pour faciliter l’écoulement des eaux ; une partie devrait contribuer à la « restauration » des berges. Même si ce curage ne se fait pas « à fond vif » et ne dépouille pas le cours d’eau de sa charge solide, indispensable pour la dissipation de la force des courants, il fragilise encore davantage l’écologie de la rivière et de ses écosystèmes. Il est par exemple évident qu’une grande majorité des îlots seront enlevés, derniers vestiges d’une dynamique naturelle que la rivière n’a cessé de perdre depuis 150 ans.

Même si la sécurité des personnes et des biens prime, et peut-être avant tout pour cela, il importe d’inscrire cette opération d’envergure dans le cadre d’une approche plurifonctionnelle, au-delà donc de la seule question hydraulique. La Ministre de l’Environnement et de la Nature Céline Tellier a ainsi invité son administration à intégrer une analyse hydromorphologique dans l’opérationnalisation des travaux de curage et de nettoyage des berges et de leur sécurisation dont les marchés publics se poursuivent.

Mais il faut bien reconnaître que depuis les inondations de la mi-juillet, le phasage des interventions relègue la dimension écologique au second plan… et à plus tard. Ce n’est qu’au terme d’une première phase de travaux de sécurisation de trois mois – et des dizaines de chantiers dans le lit et sur les berges de la Vesdre et de ses affluents – qu’une vraie concertation entre toutes les parties concernées s'est enfin amorcée, censée prendre en compte l’ensemble des enjeux, le rééquilibrage des interventions et l’analyse de leur rapport coûts-bénéfices. La seconde phase de six mois a débuté en novembre 2021 par une étude de l’état de tous les ouvrages en bord de rivières, avant la réalisation de dix lots de travaux de réparation dans le seul bassin de la Vesdre. Dans le journal communal Infos Trooz de janvier, on peut lire que "Des bureaux d'étude réalisent un état des lieux précis des points problématiques, parfois en naviguant sur le cours d'eau. Et ces bureaux définiront les points prioritaires pour les interventions". Mais ce n’est qu’après, dans une troisième phase « en 2022 ou en 2023 » axée sur la reconstruction que d’éventuelles mesures favorables à l’écologie et à la résilience de la Vesdre et de sa vallée face au risque d’inondation seront réalisées dans le bassin. Mais que pourra-t-on encore faire ?

La Direction des Cours d’eau non navigables (DCENN) précise que la plupart des enrochements, qui totalisent plusieurs kilomètres sur la Vesdre, n’ont pas été bétonnés et pourraient donc théoriquement être déconstruits s’il apparaît qu’ils ne sont pas nécessaires au terme de l’étude qui débute la phase 2. Dans les faits, il sera évidemment très difficile pour une autorité ou un gestionnaire d’aller dans ce sens. Comment envisager par exemple le remplacement de certains enrochements et talutages par des aménagements beaucoup mieux intégrés et compatibles avec le développement d’une certaine biodiversité (caissons végétalisés, fascines, épis végétaux, etc.) lorsque les contraintes budgétaires ne permettront plus que les seules interventions « vraiment utiles » ? Même si la configuration des lieux le permet, comment imaginer aplanir et « naturaliser » des hauts talus de berge à 45°, totalement artificiels et composés de matériaux hétéroclites, qui ont d’ores et déjà été replantés (par ou avec des bénévoles) ? Comment imaginer recréer des annexes hydrauliques dans la plaine alors que l’anse d’érosion recréée naturellement par la Vesdre dans un champ à Goffontaine a été comblée et que des dizaines d’îlots auront été enlevés ? Réparer est toujours plus compliqué – et plus coûteux – que de conserver et de préserver. Il faut arrêter de s'autoriser à détruire beaucoup sous prétexte que l'on protège ou que l’on répare un peu, d’autant plus que les meurtrissures qu’infligent à la Vesdre les travaux de sécurisation et de reconstruction ne pourront jamais être effacées.

Dans son avis d’initiative du 10 décembre 2021 sur « l’importance de renforcer la naturalité et la résilience des cours d’eau wallons suite aux inondations de juillet 2021 », la "Section Nature" du "Pôle Ruralité" conclut en invitant les autorités et les pouvoirs publics à multiplier autant que possible les sites où la Vesdre (ou tout autre cours d’eau sujet à inondations) pourra s’étendre dans son lit majeur afin de réduire potentiellement les risques tout en impactant très positivement la biodiversité. L’instance consultative formule ensuite 8 recommandations concrètes parmi lesquelles l’inventaire des annexes hydrauliques, leur étude et leur protection partout où c’est possible. La Ministre et le District de Liège de la DCENN ont accusé bonne réception de l’avis.

 

Le Ry de Chenal, petit affluent de la Vesdre géré par la Province de Liège, canalisé sur 300 mètres.

 

Travaux dans le lit de la Vesdre à Goffontaine (Pepinster)

  

Se réconcilier avec la Vesdre et renaturaliser sa vallée

Toute crise peut être l’occasion d’imaginer un futur qui ne soit pas la continuation du présent. Ceci devrait être spécialement le cas lorsque c’est tout un aménagement du territoire, de la plaine alluviale et des bords de rivières, qui est très durement sanctionné, montrant par là même qu’il accentuait les risques et ignorait les conséquences pourtant attendues du réchauffement climatique. Avec l’accroissement concomitant de l’humidité de l’air, d’importants orages et d’autres phénomènes météorologiques dans le contexte d’un climat de plus en plus instable, la probabilité de la survenance d’un nouvel épisode pluvieux extrême et de nouvelles fortes inondations est donc réelle.

La capacité des sinistrés des sinistrés à dépasser le traumatisme des inondations, et plus largement de la population, et celle de la Vesdre, de sa vallée et de son bassin, apparaissent comme étroitement liées dès lors que l’on s’inscrit dans l’optique d’une relation apaisée et bienveillante avec l’eau et la nature. Se réconcilier avec la Vesdre, c’est accepter sa présence, ses mouvements, ses sautes d’humeur, c’est la voir en tant qu’écosystème composé d’une multitude de formes de vie en interactions entre elles et avec leur milieu. C’est donc aussi, là où c’est possible, la libérer de l’étroit carcan dans lequel on l’a confinée et lui rendre l’espace où pourra s’exprimer sa dynamique propre. L’information et la sensibilisation des riverains, usagers et gestionnaires font partie intégrante des mesures à mettre en œuvre. Mais, bien plus que cela, il s’agit aujourd’hui de nous reconnecter avec la Vesdre.

À l’échelle planimétrique, la carte des aléas d’inondations, mais aussi les plans de secteur, doivent être revus afin d’y intégrer les débordements des cours d’eau de la mi-juillet. Il est plus que nécessaire de penser autrement et d’agir différemment pour limiter notre impact et les pressions qui pèsent sur nos territoires et leurs ressources.

Rendre de l’espace et de la vie à la Vesdre est indispensable. Plutôt que de seulement considérer le risque d’inondations, il est préférable de poursuivre aussi un objectif de renaturalisation, en ville, mais plus facilement et préférentiellement à la campagne, où existent les espaces nécessaires. Les crises climatiques et de la biodiversité sont liées et les solutions apportées doivent répondre à ces deux problèmes. Il est évident que certains espaces ouverts de la plaine alluviale de la Vesdre et de ses affluents, tels que des prairies et des champs, seraient utilement reconvertis. Dans des vallées où ne subsistent pratiquement aucun espace dévolu à la nature, on ne peut se limiter à sanctuariser quelques terrains marginaux : les surfaces nécessaires sont de l’ordre des dizaines d’hectares au minimum. Toute une série de mesures peuvent améliorer la biodiversité, restaurer la santé des écosystèmes et accroître la résilience de notre environnement : reméandrer certains affluents, renaturaliser les zones riveraines, recréer des zones humides, améliorer l’indice de qualité hydromorphologique des rivières, rétablir la continuité écologique des cours d’eau, mettre en œuvre des techniques végétales pour la stabilisation des berges, travailler dans le sens du rétablissement d’un bon état physique des masses d’eau… En d’autres mots, il faut reconstruire du vivant.

Détaillons quelques-unes de ces mesures

  • Les annexes hydrauliques

Lors de ses débordements, la Vesdre a charrié d’énormes quantités de matériaux arrachés au lit et aux berges de la rivière, érodé des terrains rivulaires et recréé des annexes hydrauliques telles que des anses d’érosion, des îlots, des bancs alluviaux, des zones humides, des embâcles, etc. La rivière a en fait recréé « naturellement » ce que l’homme s’est évertué à éliminer pendant 150 ans ! Or ces formations font partie intégrante de la rivière et sont indispensables à sa dynamique naturelle. Au niveau écologique, elles sont autant de nouveaux habitats pour la flore et la faune. Avec l’habitat qui se complexifie, les niches écologiques se multiplient, ce qui bénéficie au développement de la biodiversité.

 

 

Grève de galets créée dans un méandre agricole de la Vesdre à Goffontaine et terrain réhabilité.

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22 juin 2022 : même endroit après "remise en état" du terrain.

Au niveau hydraulique, les atterrissements, les îlots, les méandres et les diverses zones annexes de la rivière sont utiles pour dissiper l’énergie érosive du courant via le charriage de sédiments et autres matériaux solides, ce qui ralentit la vitesse d’écoulement des eaux et donc sa puissance destructrice. Partout où le débordement des eaux est possible sans réels dommages, ces matériaux peuvent rester en place. De la même manière, les nouveaux îlots méritent d’être conservés partout où ils n’accroissent pas réellement le risque de dégâts.

Une belle anse d’érosion s’est ainsi formée dans la réserve domaniale de Goffontaine après l’affaissement d’un tronçon d’une haute berge en béton dont une partie avait déjà basculé, construite au début des années ’70 pour contraindre la Vesdre à rester dans son nouveau lit. Une anse s’est également formée dans un vaste méandre agricole situé en amont du village de Goffontaine, juste en aval d’un pont. Cette annexe hydraulique a malheureusement été totalement comblée alors qu’à cet endroit, la rivière et ses débordements ne menaçaient ni populations, ni constructions, ni infrastructures.

 

 

 

 

Anse d’érosion créée dans un méandre de la Vesdre à Goffontaine avant comblement.

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22 juin 2022 : même endroit après "reconfiguration des lieux"

Conserver les annexes hydrauliques aurait le même effet que de reméandrer un cours d’eau ou le remettre dans son lit originel, ce qui serait difficile sinon impossible, et aussi très coûteux, dans le cas de la Vesdre. Lorsqu’elles se sont formées dans une zone agricole, le rachat du terrain devrait être réalisé.

  • Des zones d’immersion temporaire à haute valeur biologique

L’espace est la ressource la plus rare et pourtant la plus indispensable pour prévenir les conséquences destructrices de nouvelles inondations. En amont mais aussi en aval de Verviers, la Vesdre a conservé quelques méandres parfois assez vastes qui sont consacrés à l’agriculture, la prairie le plus souvent, mais aussi la culture du maïs. Plutôt que d’y permettre uniquement l’épanchement des eaux en cas d’inondations, certains de ces espaces – partiellement couverts de plages de galets et colonisés par la renouée du Japon suite aux inondations – mériteraient d’être livrés à la nature afin d’y recréer des réservoirs de biodiversité selon une logique de réseau écologique. Ces aménagements sont en quelque sorte des compensations aux « travaux de sécurisation » par enrochement, au curage et à la perte de naturalité de la rivière et de la vallée qu’ils engendrent.

Tel est le cas de cette boucle de la Vesdre située sur le territoire de Pepinster, en amont du village de Goffontaine, dans laquelle s’est recreusée une anse d’érosion aujourd’hui comblée et dont les plages de galets ont été enlevées (cf. supra). Malgré l’étrépage localisé du terrain, la renouée du Japon risque fort de s’implanter en bien des endroits desquels il sera rapidement impossible de l’extraire. Sur le territoire de Chaudfontaine, la friche voisine de la station d’épuration de La Brouck, zone d’activité économique récemment assainie par SPAQuE et traversée par un ancien bief emmuré, est un autre exemple d’un espace qui pourrait être reconfiguré et consacré à la nature. La Hoëgne est par contre bien moins lotie en zones susceptibles d’être renaturées, la plaine alluviale de Pepinster à Spa étant majoritairement urbanisée sinon reprise en zone d’habitat à caractère rural.

  • La remise à ciel ouvert des affluents

Plusieurs ruisseaux de divers gabarits ont été partiellement canalisés au cours du temps, parfois de très longue date, afin de construire de l’habitat et des usines, aménager des espaces publics ou faciliter l’exploitation agricole. Il serait tout à fait possible de remettre en lumière certains tronçons et ainsi restaurer leurs fonctions hydrauliques et écologiques, ce qui participerait aussi à la reconnexion des habitants avec leurs cours d’eau.

 

Le Songnon, canalisé dans la réserve naturelle domaniale de Goffontaine.

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22 juin 2022 : même endroit après remise en lumière du ruisseau et "reconfiguration des lieux"

  • Réhabiliter la Vesdre et se reconnecter à la rivière

Mais, pour se réconcilier avec la rivière, il faut aussi la réinviter dans notre imaginaire et ressusciter les récits qui y sont liés. Il est surtout nécessaire de s’en rapprocher physiquement : des emmarchements, des plateformes, des accès piétons à certaines berges, etc. doivent permettre à la population locale de se tourner à nouveau vers la Vesdre, la Magne, la Hoëgne… Les biefs qui subsistent au cœur de l’habitat méritent aussi d’être réhabilités. Des panneaux d’informations doivent être installés, les panneaux hydronymes remplacés. Les opérations de nettoyage des cours d’eau et des rives, malheureusement nécessaires, doivent être poursuivies, en y associant davantage les populations riveraines, les écoles et les mouvements de jeunesse. Conserver une zone tampon en bordure de la Vesdre

Les derniers espaces rivulaires qui ont pu conserver un intérêt pour la nature doivent échapper à leur artificialisation et les ripisylves reconstituées. Le projet d’aménagement d’une voie lente sous la forme d’un ruban de béton entre le Casino de Chaudfontaine et l’ancienne gare de Trooz, puis son prolongement jusqu’à Pepinster puis Verviers d’une part, Spa d’autre part, aura un impact réellement destructeur ; il doit donc être revu afin d’intégrer la dimension écologique, tant au niveau du tracé que du revêtement et des aménagements connexes (comme l’éclairage).

Les projets de lotissements en bord de Vesdre doivent aussi être adaptés pour tenir compte du caractère inondable et de la nécessité de conserver une zone tampon ; sinon ils doivent être abandonnés.

Quelles perspectives d’avenir ?

Les 14 et 15 juillet, une inondation d’une ampleur exceptionnelle a très gravement touché le bassin de la Vesdre et sinistré tout un territoire et des dizaines de milliers de personnes. La probabilité existe que se reproduise un jour un tel événement. 

Les spécialistes des disciplines liées à l’environnement, l’écologie, l’aménagement du territoire et le climat rappellent sans cesse la nécessité impérieuse de rendre de l’espace et de la liberté aux rivières, repenser les implantations qui les bordent, restaurer les zones humides, stopper l’urbanisation galopante, la périurbanisation et l’artificialisation des sols, mettre un terme au mitage de l’habitat, renaturer l’agriculture et la rendre plus durable, intégrer la gestion de l’eau en amont, améliorer notre relation à l’eau et à la nature, etc. Le cadre juridique ne suffit pas à mener une politique d’aménagement du territoire et de gestion des risques si on n’agit pas de manière concertée et transversale en privilégiant l’intérêt général dans une perspective de long terme. Plus qu’une transition, c’est d’une mutation dont nous avons besoin.

La création par l’Université de Liège d’une TaskForce Vesdre qui réunit 150 étudiants en architecture, sciences et sciences appliquées issus de l’ULiège, l’ULB et KU Leuven mérite d’être soulignée. Au contact des experts, tous ces futurs diplômés réfléchissent à la manière d’organiser la transition de la vallée de la Vesdre vers un modèle territorial plus résilient et remettront une boîte à idées aux pouvoirs publics dans les domaines conjoints de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. 

La bonne nouvelle est peut-être que la nouvelle génération de techniciens, de gestionnaires et de décideurs qui s’annonce comprendra mieux l’impérieuse nécessité de se réconcilier avec notre environnement et nos rivières.

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  • "Le Passeur d'idées", blog politique administré par Olivier Baltus, habitant de Trooz et ancien conseiller, est le support d'un travail qui se veut constructif mais critique. Son fondement: l'information et la sensibilisation de tous les Trooziens
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