3 octobre 2021
Réserve naturelle de Goffontaine
(contact : troozinfo@gmail.com)
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Où en est-on ?
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Il y a 2 mois et demi, la réserve naturelle de Goffontaine, modeste avec ses 4,5 ha mais une des dernières zones accueillantes et dévolue à la nature dans la vallée de la Vesdre en aval de Verviers, était ravagée par une inondation exceptionnelle. Près de 2 mètres d’eau et… des dizaines de milliers de déchets en tout genre.
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Le 19 juillet, après une première opération de nettoyage à quelques-uns, j’écrivais que « des jours et des jours seront nécessaires pour assainir la réserve, si on y parvient. » Le 22 juillet, après la rencontre d’une quinzaine de personnes un jour et d’une quinzaine d’autres le lendemain venues spontanément ramasser des déchets dans ce site dans lequel elles n’avaient jamais pénétré, je me réjouissais d’une telle mobilisation et comparais le travail entrepris à l’ascension de l’Everest, soulignant l’énorme travail accompli tout en précisant n’être encore qu’à mi-pente.
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En fait, nous n’étions encore qu’au camp de base ! Mais aujourd’hui, le sommet est atteint et ce sont 500 personnes au moins qui sont venues de partout passer une ou plusieurs journées à Goffontaine pour rendre à cette réserve un visage présentable. Des montagnes de déchets ont été ramassées, dix citernes de beurre évacuées, des centaines de bidons de produits chimiques mis de côté... Grâce à la puissance des réseaux sociaux, « Les particules solidaires de la Vesdre » ont mobilisé des volontaires venus de partout. Le Contrat de rivière a relayé les appels à agir et dispensé les conseils nécessaires. Natagora, Natuurpunt, Be WaPP, River Cleanup… ont aussi répondu présents. L’agent de terrain du DNF a coordonné les efforts et, avec ses collègues, participé au nettoyage et fait évacuer les déchets entassés. Des classes de l’Ecole de La Reid ont aussi retroussé leurs manches. Tout cela lié par d’autres bénévoles offrant une collation ou préparant un repas pour l’après-journée ! La Protection civile a apporté son concours en chargeant des camions entiers de bois et d’inertes entassés par la rivière contre les talus de la route. Merci à tous !
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Il ne faut pas se tromper : la réserve reste meurtrie ! Des millions de billes de plastique se sont répandues sur le sol, les 3 mares – dont l’alimentation en eau a été déviée pour faciliter le nettoyage – ont été transformées en flaques pâteuses, plusieurs fruitiers plantés en 2016 sont perdus, le massif d’aubépines fréquentées par la pie-grièche écorcheur a sombré, la ripisylve a disparu, les eaux de la Vesdre gravement polluées par les effluents domestiques qui ne sont plus traités… Contrairement à ce que certains pourraient croire, la nature ne se répare pas comme une jambe cassée et il faudra beaucoup de temps et des actions ciblées pour que la biodiversité se restaure. Mais pour la réserve, un premier pas, difficile, a été franchi.
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Cette mobilisation inattendue et inespérée ne traduit pas seulement l’attachement des citoyens à leur environnement naturel ; elle est aussi un message fort à l’attention des politiques et des administrations du SPW en faveur de la sauvegarde de nos paysages et de notre patrimoine naturel, et aussi plus fondamentalement pour une réelle bienveillance à l’égard de la Vesdre et de ses affluents, maltraités depuis 150 ans et relégués à de vils couloirs d’écoulement des eaux. Vingt ans après la mise en service de la station d’épuration de Wegnez, le plus gros ouvrage de traitement du sous-bassin de la Vesdre, et le début de la renaissance du cours d’eau après des décennies de pollution chimique ayant anéanti toute vie aquatique, bien trop peu d’actions ont été entreprises pour réconcilier la rivière et sa population riveraine. Il est urgent d’apprendre à vivre ensemble plutôt que de nous opposer.
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D’Eupen à Chênée, des pelles mécaniques sont aujourd’hui en action pour taluter, enrocher, canaliser, sécuriser, curer… la Vesdre mais aussi la Hoëgne et le Wayai. Si ces travaux sont nécessaires en zone d’habitat, l’ampleur et la systématisation des travaux de reconfiguration questionnent. Et c’est peu de le dire ! C’est comme si chaque responsable et chaque gestionnaire – et on sait combien les compétences sont morcelées en Wallonie – devaient se prémunir du risque d’être accusé de ne pas avoir agi. Alors on y va partout à coups de pelleteuses.
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Une évidence apparaît : l’absence de considération – et de compréhension – des écosystèmes aquatique et rivulaire. Rien n’a encore été dit et rien n’a encore été fait par les autorités politiques et administratives pour rendre à la rivière de l’espace, de la fonctionnalité, de la résilience. Plutôt que de solliciter les personnes compétentes en matière d’écologie et de tenir compte de leur expertise, d’intégrer la dimension naturelle et de se projeter dans l’avenir en tenant compte de l’évolution inéluctable du climat à court et moyen termes, les autorités se justifient maladroitement et invoquent les priorités et l’urgence. Il faut dire que les mondes associatif subventionné, scientifique et universitaire brillent par leur discrétion. Qu’attendent-ils pour… jouer leur rôle ?
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L’histoire mouvementée de la Vesdre explique sa triste configuration actuelle. Si la seule réponse aux événements de la mi-juillet consiste à la dompter davantage encore, si les responsables et gestionnaires sont incapables d’imaginer le futur autrement que comme la continuation du présent, nul doute que notre chemin de croix se poursuivra encore longtemps.
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Du point de vue de la biodiversité mais aussi de la santé de l’écosystème et de la résilience de notre environnement, un enjeu me paraît essentiel : le devenir des annexes hydrauliques (anses d’érosion et autres phénomènes de ce genre) qui se sont créées « naturellement » mi-juillet avec la force du courant ; la conservation du plus grand nombre possible – contre indemnisation des propriétaires et exploitants agricoles – rendrait de la naturalité à la rivière sans devoir reméandrer certains tronçons, ce qui est couteux et dans le cas de la Vesdre pratiquement infaisable.
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Reméandrer, renaturaliser, améliorer l’indice de qualité hydromorphologique des rivières, rétablir la continuité écologique… : autant de projets de la Ministre de la Nature Céline Tellier… dont elle ne parle pas. Comment expliquer son non engagement dans le dossier post-inondations en matière de biodiversité ? C’est incompréhensible. Ce 23 septembre, lors d’un congrès en ligne sur la résilience, elle faisait part de sa « satisfaction que les investissements structurels qui permettront une relance résiliente ne soit pas sacrifiés et annonçait l’entame d’une réflexion sur le type de reconstruction souhaitable vu ce qui s’est passé, notamment au niveau des cours d’eau » *. Sauf que dans 2 mois, des dizaines de kilomètres de rivière auront été « reconfigurés » ! Que racontera la Ministre Tellier en conclusion du colloque « Paysages et biodiversité - Des liens à révéler, des actions à mettre en œuvre » le 19 octobre à Namur, en clôture du Festival du film nature ? Il est temps d’agir, Madame la Ministre, et de faire en sorte que la nature retrouve sa place dans la vallée de la Vesdre, pour éviter que la rivière ne se fâche à nouveau. Je reviendrai plus tard sur tous ces éléments et la question des « compensations ».
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En attendant, ce dimanche, nous serons encore quelques dizaines à ramasser les derniers déchets, enlever les dernières planches et autres troncs, extirper un maximum de fragments de rhizomes de renouée du Japon dans la prairie amont de la réserve naturelle et éliminer les aubépines décharnées et couchées. Fin du mois d’octobre, la Commission de gestion des réserves naturelles domaniales se réunira sur le site afin d’envisager la relève des bénévoles et les diverses actions à entreprendre pour favoriser le redéveloppement de la biodiversité ; une série d’invités seront conviés afin de rassembler toutes les compétences nécessaires.
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* extrait de l’article du journal Le Soir des 25 et 26 septembre 2021 « Dans les cours d’eau wallons, des pierres et de l’urgence »
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