CHB : comparaison n’est pas raison
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Mais quand même…
L’actualité nous offre parfois de biens belles démonstrations de l’absurdité de certains projets de développement.
En matière de mobilité par exemple.
- CHB, c’est 500 millions d’euros pour 12,5 km de liaison autoroutière… à construire entre Cerhexhe-Heuseux et Beaufays pour relier l’E40 à l’E25, via un long viaduc enjambant la vallée de la Vesdre.
. - L’A601, c’est 5 km de bretelle d’autoroute qui relie la E40 à la E313 à hauteur de Herstal et Fexhe-Slins, fermée depuis décembre 2014 en raison de l’état jugé trop dangereux de son revêtement. Le coût de la remise à niveau est estimé à une dizaine de millions d’euros.
Les infrastructures routières wallonnes sont particulièrement denses et leur seul entretien coûte très cher aux pouvoirs publics qui, depuis quelques années déjà, sont confrontés à de lourds et couteux travaux de restauration d’ouvrages d’art construits dans les années 60’ et 70’. D’autant plus dégradés pour certains qu’ils n’ont pas été entretenus comme il eu fallu, faute de moyens.
Non reprise dans le plan infrastructures 2016-2019, l’A601 n’est pas prête à rouvrir à la circulation. Sera-t-elle reprise dans le plan 2020-2024 ? Ses 13.000 voitures par jour ne plaident pas en saveur, bien d’autres autoroutes en mauvais état étant plus fréquentées.
Quant à CHB, ce projet titanesque engloutirait des budgets qu’il est plus nécessaire que jamais de consacrer à l’entretien du réseau existant mais surtout à une mobilité plus responsable par rapport aux enjeux globaux qui s’imposent à nous : le réchauffement climatique (la part des émissions de gaz à effet de serre provenant du transport routier ne cesse de croitre), l’érosion de la biodiversité (une étude allemande montre qu’en 30 ans, la population totale d’insectes volants a diminué de 75%... dans des sites protégés !) et la perte des surfaces agricoles (1.800 ha de perdus en moyenne de 1985 à 2015 en Wallonie).
L'autoroute tue la ville et urbanise la campagne
Construire de nouvelles autoroutes, fussent-elles des liaisons ou des bretelles, c’est aussi faciliter la périurbanisation (les habitants qui en ont les moyens quittent la ville pour s’installer à la campagne), précariser certains quartiers urbains et appauvrir les agglomérations, encourager la dispersion des logements et des activités sur le territoire, poursuivre son urbanisation et... accroître les besoins en mobilité !
Un aménagement du territoire destructeur.
Savez-vous que de 1990 à 2013, les surfaces résidentielles ont cru de 35% pour une augmentation de 9,8% de la population ? La consommation de nouvelles terres (souvent agricoles) consacrées à l’habitat se poursuit certes à un rythme moindre mais… continue de miter le territoire, les plans de secteur ayant défini des « zones à bâtir » bien trop vastes par rapport aux besoins réels et souvent bien mal réparties pour imposer un aménagement raisonné de nos campagnes, économe en espaces et respectueux de l’identité de nos villages et communes. Après le CoDT, le SDT : le gouvernement wallon planche, notamment, sur un projet d’interdiction de construire sur des terrains vierges d’ici 2050, via une réduction de moitié de cette expansion de l’urbanisation d’ici à 2025 ; après le Betonstop flamand, voici donc le Stop au béton wallon… qui inquiète la Confédération Construction wallonne. Qui ajoute (il me faut être honnête) que l’urgence est aussi à plus court terme : « Si on veut renforcer l’attrait et la qualité des zones bâties actuelles, il est essentiel d’accélérer les politiques de revitalisation urbaine et rurale, de stimuler la démolition-reconstruction des tissus vétustes, de restaurer le bâti historique, d’assainir les friches industrielles et d’amplifier la rénovation énergétique des logements et des bâtiments secondaires et tertiaires »
Stop aux nouvelles (auto)routes
Construire de nouvelles autoroutes, c’est aussi imposer définitivement un mode d’organisation et de fonctionnement aux familles et habitants (néo)ruraux qui n’auront d’autre choix que d’acheter une voiture (ou deux, ou trois) pour tous leurs déplacements. C'est aussi conditionner tout un tissu rural aux déplacements motorisés tout autant qu'inféoder la population à la voiture, et reléguer les moyens de déplacements alternatifs au second rang.
La voie de l’inflation des infrastructures routières, c’est créer bien plus de problèmes que ce que cela n’en résout.
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La Fédération des associations de protection de l'environnement IEW (Inter Environnement Wallonie), dans son « Plaidoyer pour des affectations budgétaires rationnelles et efficaces » de septembre 2017, propose 20 ans de… mobilité durable à partir des 500 millions d’euros (minimum) que couterait CHB. IEW___Plaidoyer_affectations_budg_taires_efficaces
Au-delà de l’urgence environnementale (investir dans l’accroissement du réseau routier implique aujourd’hui de facto de renoncer à répondre à l’enjeu climatique), IEW propose d’investir :
- 330 M € dans les modes actifs de déplacement :
- Politique cyclable dans les 29 pôles majeurs ou principaux wallons (130 M €)
- Crédits d’impulsion pour la concrétisation de plans communaux de mobilité (200 M €)
- 100 M € dans les transports publics :
- Bandes bus prioritaires en agglomération (100 M €)
- Centrales de mobilité (42 M €)
- 32 M € dans l’Administration :
- Renforcement des moyens humains (AWAC, DGO1, DGO2)
En sus des budgets affectés aujourd'hui à ces politiques, bien entendu.
Pour qu’un jour, en Wallonie aussi, celui qui décide de partir travailler à vélo, visiter des amis en voiture partagée ou se rendre au musée en bus sans y perdre de temps dans… les embouteillages puissent le faire efficacement et sans danger.
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