Elections : sois Belge et tais-toi !
(contact : troozinfo@gmail.com)
Depuis le 12 août et l’interview au « Soir » de Philippe Close, échevin socialiste bruxellois du tourisme et chef de groupe PS au Parlement régional, dans laquelle il se prononce en faveur du vote aux élections régionales des étrangers résidant depuis au moins 5 ans en Belgique (comme c’est le cas pour les élections communales * depuis 2000 pour les Européens et 2004 pour tous les étrangers), nombre d’hommes et de femmes politiques se sont exprimés sur le sujet général du vote des étrangers de Belgique… et des Belges de l’étranger.
Apparemment, presque tous, y compris… les socialistes dont le programme 2014 du parti reprend pourtant la proposition, considèrent soit que le vote des étrangers aux régionales n’est pas une bonne idée, soit que ce n’est pas le moment. Les milliers d’électeurs non belges attendront.
Dans une chronique parue ce 31 août dans « De Standaard », Anne Delvaux a froidement décrit les jeux politiques du PS et de… la NVA derrière leurs propositions et contestations réciproques concernant l’extension du droit de vote et… l’interdiction du burkini, autre saga du moment qui voit les uns regretter une forme d’asservissement de la femme et les autres dénoncer fermement une tentative de la religion musulmane d’imposer ses codes chez nous (à l’heure où certains souhaiteraient remplacer intégration par assimilation, les positions les plus radicales et caricaturales ne peuvent nous étonner). Avec in fine une opinion publique instrumentalisée à des fins… électoralistes.
Une opinion publique qui, lorsqu’elle s’exprime sur les réseaux sociaux ou palabre avec ses élus locaux (et nos plus hautes éminences gardent toutes un pied, et même souvent deux, dans leur fief local), ne manque pas de faire part de son opposition à cet élargissement du droit de vote aux étrangers, le Ministre wallon Jean-Claude Marcourt affirmant même craindre « une réaction épidermique d’une partie de la population ».
Le MR est quant à lui de longue date favorable au vote des Belges de l’étranger aux régionales, autorisés depuis 1998 à voter aux fédérales (qu’on appelle aussi législatives). Seul parti francophone au fédéral, niveau de pouvoir compétent pour légiférer en la matière, il partage aujourd’hui cette volonté avec le gouvernement flamand, de sorte que le vendredi 26 août, un projet de loi spéciale sur le vote des Belges de l’étranger aux élections régionales a été approuvé en Conseil des Ministres. L’avant-projet a été transmis au Conseil d’Etat puis sera envoyé au Parlement où il devra recueillir une majorité spéciale, soit les deux-tiers des députés et la moitié dans chaque groupe linguistique. Pas acquis quand on sait que le PS et le CDH ont bloqué toutes les tentatives précédentes du MR, prétextant notamment… que ce n’était pas le moment. Les milliers d’expatriés attendront.
Derrière les convictions des uns et des autres que l’on ne peut contester, il est évident que les partis, tous les partis, espèrent ou redoutent les conséquences électorales de l’octroi du droit de vote à ces nouvelles catégories de populations « expatriées ». Quel que soit le nombre total de nouveaux votants, un avantage profitant à l’un désavantagera obligatoirement l’autre, raison pour laquelle les socialistes sont plutôt favorables au vote des étrangers de Belgique et les libéraux plutôt favorables au votre des Belges de l’étranger. Les contraintes au changement de la Loi électorale et les coalitions en place dans notre pays sont un frein, mais aussi une sécurité, à toute évolution opportuniste en la matière.
Et soyons justes, de nombreuses considérations techniques et politiques entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit de modifier le système, compliqué par la multiplicité des niveaux de pouvoir en Belgique et leurs imbrications : octroi lié ou non des droits de vote et d’éligibilité, modification du poids relatif des Régions qui envoient des parlementaires à la Fédération Wallonie-Bruxelles, sénateurs de communauté désignés via la Fédération, niveaux de contraintes pour exercer le droit de vote (inscription préalable…)…
Dans notre pays, le droit de vote et d'éligibilité aux communales et aux législatives n’est donc plus obligatoirement conditionné par la possession de la nationalité belge ; a priori, cette évolution va dans le sens de l’histoire. Pourtant, une importante partie de nos concitoyens n’a toujours pas le droit de choisir ses représentants au niveau des régions (et donc aussi de la Communauté française de Belgique, que l’on appelle aujourd’hui la Fédération Wallonie-Bruxelles) ! Des milliers de personnes travaillent et payent des impôts sans droit de regard sur la façon dont leur produit est dépensé, participent à la vie en communauté sans jamais pouvoir sanctionner les politiques menées dans une série de compétences qui les concernent directement (mobilité, déchets, enseignement…). La construction européenne (malgré ses difficultés et soubresauts), les mélanges de populations et les brassages de nationalités et leurs nombreux apports ne devraient-ils pas nous pousser dans la voie d'une forme de citoyenneté supranationale et l’extension du droit de vote aux régionales d’abord et avant tout aux étrangers de Belgique, européens et / puis non européens résidants depuis au moins 5 ans en Belgique, certains établis et actifs chez nous depuis bien plus longtemps, sans qu’ils n’aient à demander la nationalité belge et donc – le plus souvent – à renoncer à leur propre nationalité ?
Et si, pour octroyer aux étrangers de Belgique ce droit de vote aux régionales il faut également l’octroyer aux Belges de Cassis, de la Costa Blanca, de Rabat et de New York, qu’on le fasse ! Et tant pis pour Benoît Lutgen, Président du CDH et manifestement très fier d’être ardennais, qui prétend que « le droit de vote ne se distribue pas comme ça à tout le monde » (c’est qui « tout le monde » ?). Les politiques doivent oser franchir le pas, passer outre les réticences d’une partie de la population et offrir enfin cette équité de traitement et de reconnaissance à tous les citoyens vivant sur le sol belge.
Même si nous les Belges, seuls européens avec les Luxembourgeois, les Grecs et – dans une certaine mesure – les Italiens à être obligés de voter, n’exerçons pas toujours ce droit avec le sérieux et l’attention qu’il mérite, le droit de vote est un droit de l’homme, à la base de la démocratie ! Au-delà des arguments avancés par les uns et les autres pour porter leurs propres propositions ou celles de leur parti (diversité et ouverture des Bruxellois, attachement et implication des belges de l’étranger…), permettre à tous les membres d’une communauté humaine moderne et diversifiée de voter me paraît être un élément important de ce vivre-ensemble. Car vivre-ensemble, n’est-ce pas aussi décider ensemble ?
Ce vote, auquel les femmes belges participent au niveau des législatives depuis 1948, doit-on le garder obligatoire. Là-dessus, presque tous s’accordent pour dire que ce ne sera jamais le moment de changer (et en plus si on peut taper sur l’ambitieux montois Georges-Louis Bouchez, auteur récent d’une proposition allant dans ce sens…), beaucoup de (partis) politiques ayant l’impression d’y perdre : des électeurs sans nul doute mais des parts du groupe des votants dans un jeu à sommes nulles ? Combien doivent être grands les doutes des politiques quant à leur capacité à nous convaincre de les rejoindre si nous avions cette liberté… de ne pas voter ! Et bien nous attendrons.
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Et à Trooz ?
Comme dans les autres entités, moins de 15 % des étrangers ont voté aux communales d’octobre 2012 (pour un total de 6.068 électeurs à Trooz). Parmi les étrangers d’un pays de l’UE, 18 sur 134 ont introduit une demande pour pouvoir voter ! Triste quand on sait combien tous ces « étrangers » européens et non européens - et leurs parents - ont apporté à Trooz.
En automne 2018, dans un peu plus de 2 ans donc, nous serons appelés à voter à nouveau aux communales. La moindre des choses serait que, pour la première fois, les autorités communales en place mènent une vraie campagne… d’information de tous ces trooziens « d’origine étrangère » pour qu’ils exercent leur droit de voter. Et puissent sanctionner le bilan de la législature en cours et choisir un programme pour la suivante. Mais ça, c’est une autre histoire.
* sans autre condition de durée de résidence que les Belges pour les ressortissants de l'Union européenne qui sont également éligibles et peuvent aussi voter aux européennes.
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