Le ruisseau de Péry - 50.000 € de perdus ?
Voir article du 2 octobre 2015
(contact : troozinfo@gmail.com)
Point 12 du Conseil communal du 28 septembre : remise à l’air libre du ruisseau de Péry - Approbation des conditions et mode de passation du marché.
Retour sur le terrain…
On l’a vu : le Ruisseau de Péry / Sainry est canalisé sur la plus grande partie de son parcours. Remettre à l'air libre un tronçon d’une cinquantaine de mètres (situé juste derrière l’école de Péry) est évidemment une bonne chose.
- La motivation principale de la Commune – exposée verbalement par l’Echevin des Travaux lors de la réunion du Conseil mais non reprise dans le (projet de) PV - est la protection contre les inondations des habitations situées à l’aval. Très bien.
- Une autre raison d’intervenir est l'assainissement du site, véritable dépotoir : nombreux déchets de construction, plastiques, une batterie de voiture (enlevée ce jour)… Sans compter les tas d’herbes de tonte déposés sur les berges par les riverains et directement responsables de l’instabilité du terrain, des odeurs en été… et du développement de plantes nitrophiles (orties…). Très bien.
MAIS…
Une nouvelle visite de terrain m’a permis de mieux comprendre la situation…
Une canalisation de gros diamètre et d’une quinzaine de mètres de longueur sous le fond de jardin remblayé d’un riverain abouti à une chambre de visite bricolée dont le « déversoir » rejette les débits excédentaires en cas de crue… dans le même talweg que celui où se prolonge la canalisation ! Une situation ubuesque puisqu’en plus de raviner le terrain au-dessus de ladite canalisation, ces eaux déversées sont à nouveau mélangées aux eaux canalisées à l’exutoire de la conduite 25 mètres plus bas. Bref, du n’importe quoi !
Je vous montre...
Le ruisseau est canalisé... au niveau d'un jardin "privé" (en fait, une partie de terrain appropriée par le riverain), en aval duquel se trouve la "chambre de visite" en parpaings.
Le déversoir que vous voyez doit permettre aux débits excédentaires de sortir de la canalisation afin d'éviter la mise en charge de cette dernière lors des crues. 25 mètres plus bas, au trouve l'exutoire de la canalisation... puis le ruisseau disparaît à nouveau dans une canalisation pour n'émerger que bien plus en aval.
Le projet communal
Sur le coût total estimé à 42.000 € HTVA, 24.000 € sont affectés à la « protection de berges, enrochement de moellons bruts, 80/300 kg ». La photo ci-dessous montre le type d’enrochement envisagé.
400 tonnes d’enrochement à 60 € la T. sont prévus dans le cahier des charges. La roche couvrira les 2 berges… mais aussi le fond du ruisseau.
Or, si le principe de solidarité Amont-Aval est primordial afin de lutter contre les inondations, le principe de base est la retenue d’un maximum d’eau possible en amont des zones vulnérables : on stocke l’eau temporairement avant de la restituer progressivement au milieu. Divers possibilités existent : zones d’expansion de crues (zones de débordement où le cours d’eau peut s’étendre lors d’une crue), dégagement du lit majeur, bassin d’orage…
Mais de quels débits parle-t-on ? Les crues sont-elles si menaçantes ? Impossible de savoir : aucune note de calcul n'est présentée dans le dossier à disposition du Conseil communal. Ce qui est sûr, c'est que nous sommes en tête de bassin. Vu l'état d'embourbement des canalisations en place (processus naturel), la priorité n'est-elle pas le curage des conduites à l'aval du tronçon concerné qui seront maintenues en place, ces boues constituant un réel obstacle à l'écoulement des eaux ?
Le 2ème plus important poste du marché porte sur le curage des canalisations circulaires ou ovoïdes et regards de visite (150 mètres - 4.500 €)
Le projet communal de remise en lumière et d’enrochement d’un tronçon du ruisseau de Péry ne prévoyant aucune véritable zone de rétention des eaux, son effet sera pratiquement nul quant à la protection des maisons aval. De plus, sa conception « 100% minérale » empêchera toute recolonisation du cours d’eau par la nature : même les invertébrés ne pourront s’y implanter.
L’aménagement de 6 cascades pour ralentir la vitesse d’écoulement des eaux, comme l’explique André Dombard lors du Conseil communal (aucune mention dans le cahier des charges !?), n’aura aucun véritable effet en termes de rétention lors d’une crue.
Un article paru dans le « Mouvement Communal » édité par l’Union des Villes et Communes de Wallonie le résume de manière lapidaire : « L’idée selon laquelle seuls le curage des cours d’eau et la construction de bassins d’orage suffiraient à endiguer efficacement les débordements de nos rivières est révolue. »
La carte des aléas d’inondation le montre bien : la zone d’aléa faible se prolonge en amont du tronçon visé par les travaux communaux. Certainement serait-il plus judicieux – en matière de lutte contre les inondations – d’y aménager une zone d’expansion de crue dans une prairie.
Avantage avec internet : on a facilement accès à de nombreuses informations, dont le plan cadastral. Le ruisseau se trouve dans un tronçon de 3ème catégorie, dont la gestion incombe à la Commune.
Quelle alternative ? Quid du tronçon visé par les travaux communaux ?
La libération du ruisseau et le remplacement de la canalisation vétuste par un enrochement n’auront aucun effet concret en matière de prévention des inondations.
L’assainissement du « talweg dépotoir » est néanmoins nécessaire. Celui-ci peut très bien se limiter à l’enlèvement de la canalisation vétuste et de la chambre de visite d’une part et des déchets de construction d’autre part, tout en conservant l’espace où le cours d’eau va pouvoir s’écouler plus naturellement.
Plusieurs autres éléments à mentionner :
- en fonction de la quantité de déchets à enlever, peut-être sera-t-il nécessaire d’apporter des terres pour reconstituer le fond du ruisseau. Celles-ci doivent obligatoirement être saines et exemptes de fragments de plantes envahissantes comme la Renouée du Japon ;
- la remise en lumière du vallon suite à la coupe des arbres qui ont poussé dans le « lit » du ruisseau favoriseront l’apparition de plantes herbacées qui stabiliseront les berges ;
- si malgré cela on estimait que les talus demeurent trop pentus avec un risque d’éboulement et d’obstruction du ruisseau, il serait beaucoup plus logique de recalibrer localement ces talus pour adoucir leur pente plutôt que d’envisager des enrochements même localisés ! Faut-il rappeler que lesdits talus ont été remaniés suite à l’apport de remblais ?
La volonté de la Commune est évidemment de bien faire. Certainement les riverains sont-ils demandeurs d’un aménagement du site.
Mais si vous pensez que le débit du ruisseau lors des crues nécessite obligatoirement de lourds travaux et justifie le projet d’enrochement, vous vous trompez : il suffit d’observer le profil "naturel" (même si lui aussi a été modifié au cours du temps) du ruisseau juste en amont du tronçon concerné !
Le profil "naturel" du ruisseau : un lit de galets dégagé, un talus boisé et un fond de jardin en pente douce.
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Le projet apparaît néanmoins couteux et inadapté. La majorité doit maintenant assumer sa responsabilité en le modifiant et en invitant les riverains à y adhérer.
Les conséquences politiques
Une analyse technique d'une situation particulière a été faite par le Service des Travaux. Personnellement, je n'y adhère aucunement.
Le dossier a ensuite été repris par l'échevin des Travaux - André Dombard - qui l'a exposé au Collège, sur proposition duquel il a ensuite été présenté au Conseil communal le 28 septembre. Le point 12 "remise à l’air libre du ruisseau de Péry - Approbation des conditions et mode de passation du marché" y a été approuvé à l'unanimité.
Mes questions lors de la séance et les réponses qui y sont apportées font apparaître une sorte de malaise qui me conduit à me rendre sur place dans les jours qui suivent. Et là, grand étonnement : la situation n'est pas vraiment celle qui a été exposée !
De nouveau, je ne fais pas de procès d'intention car je sais que la volonté est de bien faire. Mais dans ce cas-ci, on est très loin de la coupe aux lèvres. Et cela pose de sérieuses questions sur le plan politique, auxquelles il va falloir faire face !
Le dossier du "ruisseau de Péry" met en évidence un sérieux dysfonctionnement dont les conséquences financières sont potentiellement lourdes.
Mercredi 14 octobre, je m'exprimerai à ces sujets.
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